Du Château des Colonnes au Stade municipal

Maquette en 3D du projet de l'architecte Bien-aimé, côté parc . ©P.E. Sautereau. 2023

Après notre précédent article sur le Château de Courbevoie, voici l’histoire du Château des Colonnes qui deviendra plus tard le Cynodrome de Courbevoie. 

Les quatre principaux châteaux de Courbevoie présents au XVIIIème siècle, auxquels on peut rajouter la Caserne des Suisses, sont souvent décrits pour leur architecture et pour les personnages célèbres qui y ont vécu.

On oublie souvent de citer le devenir des parcs de ces vastes domaines. Or, dans une ville de 4km², les immenses surfaces foncières qu’ils ont laissées ont structuré le réseau viaire et l’urbanisme de la ville.

La Société Historique de Courbevoie vous avait proposé un premier article sur le Château de Courbevoie. Au tour de l’histoire du Château des Colonnes de faire l’objet d’un deuxième article de la même veine, suivi d’un troisième sur sa transformation en Cynodrome.

Du Château à l’Asile Lambrechts

Au 18ème siècle, en 1769, le fermier général Paulze créa une grande et belle « Maison de campagne» à Courbevoie. Il était aussi le beau-père de Lavoisier, le père des lois et principes de la chimie, qui permit le passage de l’alchimie à la chimie moderne. Ce dernier prit également une charge de fermier général.

Tous deux montèrent à l’échafaud pendant la Terreur. « La Révolution n’a pas besoin de savants » avait lancé le président du Tribunal révolutionnaire.

Sous la Révolution, le domaine est transmis en indivision à la famille Talon, entre : Marie-Victoire Talon, épouse Henri d’Escorches, Marquis de Saint-Croix. Marie-Geneviève Talon (Mme de Villaines) et Antoine-Omer Talon, père de Zoé, future Comtesse du Cayla et favorite de Louis XVIII.

La Comtesse du Cayla fit un leg important à la ville et fut inhumée au vieux cimetière de Courbevoie.

En 1797, l’ensemble du Château et de son vaste terrain est racheté par un couple : Saül et Sarah Crémieux, demeurant à Paris place Sainte-Victoire, non loin de la Bourse.

Ils se sont enrichis sous le Directoire mais connaîtront une faillite en 1813.  Cependant, en 1797, durant une bonne phase financière, ils décident de modifier le château et s’adressent pour cela à l’architecte Bienaimé.

C’est ce même Bienaimé qui sera par la suite l’architecte de la sœur de Napoléon, Elisa Napoléon qui dirigera en Italie la principauté de Lucques et Piombino où elle avait le désir d’introduire l’architecture parisienne.

Pour Courbevoie, Bienaimé présenta le projet suivant aux époux Crémieux :

Elévation de la façade du projet côté parc à Courbevoie T. Bien-Aimé architecte vers 1797.© BNF Gallica
Elévation de la façade du projet côté parc à Courbevoie – T. Bien-Aimé architecte vers 1797.© BNF Gallica

Si on développe cette esquisse en 3D, on aperçoit la force de ce projet de style néo-classique.

Maquette 3D du projet Bien-Aimé. Côté cour d'entrée. ( rue de Colombes) ©P.E. Sautereau. 2023
Maquette 3D du projet Bien-Aimé. Côté cour d’entrée. ( rue de Colombes) ©P.E. Sautereau. 2023

Ce projet sera modifié par les propriétaires suivants qui agrandiront considérablement le dernier étage.

Puis, de modifications en modifications, on arrivera à l’architecture du « Château Lambrechts »

Entre temps, un industriel, M. Moreau, ayant ses usines à Courbevoie, rachète le château et remodèle entièrement le parc.

Gravure du Château des colonnes du temps de M. Moreau. On remarque que les deux ailes ne sont pas encore surélevées d’un étage ©Archives ville de Courbevoie
Gravure du Château des colonnes du temps de M. Moreau.
On remarque que les deux ailes ne sont pas encore surélevées d’un étage ©Archives ville de Courbevoie

Les jardins à la française disparaissent, il ne subsistera alors que la grande plantation de tilleuls qui borde le parc sous toute sa longueur.

La mode était alors au genre pittoresque. Une vaste collection de statues invitait à la déambulation sur cette pelouse plantée d’arbres de toutes les espèces. Les bustes des douze Césars sont massifs. Un groupe de lutteurs attribués à Canova attirait particulièrement l’attention.

L'agrandissement du château devenu "Asile Lambrechts" augmente son espace au détriment de son esthétique ©BNF Gallica l’A.P. autour de 1900
L’agrandissement du château devenu « Asile Lambrechts » augmente son espace au détriment de son esthétique ©BNF Gallica l’A.P. autour de 1900

Les enfants Moreau revendront le château au comte Lambrechts. Ce dernier laissera un testament olographe qui sera ouvert à sa mort en 1823, offrant la propriété à l’assistance publique sous certaines conditions.

Mais ce n’est qu’en 1843 que le leg est pris en compte. Des travaux sont effectués par l’architecte Baltard afin d’adapter les bâtiments à leurs futures fonctions. En 1846 s’ouvre l’asile, conformément aux désirs posthumes de Lambrechts.

Dans son testament, le Comte Lambrechts attribue la moitié du leg à l’achat du bâtiment. L’autre moitié est placée et son produit est affecté à l’entretien. Ce mode de fonctionnement garantissait la pérennité de l’asile.

Il existait aussi une partie école qui recevait de son côté des sommes financées par les utilisateurs pour ses coûts de fonctionnement.

En 1905, le maire, M. Boursier inaugure la Maison Ségoffin sur le terrain limitrophe, qui plus tard rejoindra l’ensemble foncier.

Le développement de l’école normale protestante

Les bâtiments scolaires collés au bâtiment principal vont contribuer à faire la renommée de l’École normale protestante, une des rares, sinon la seule, pendant un certain temps. Des personnes éminentes ont siégé dans celle-ci.

Vue générale de la Fondation Lambrechts © C.P. SHC
Vue générale de la Fondation Lambrechts © C.P. SHC

La mutation de l’asile Lambrechts en stade municipal et bâtiments municipaux

En 1931, les locaux de l’asile et de l’école deviennent trop exigus.

Le maire nouvellement élu, M. André Grisoni, conscient du développement de sa ville, désire acheter cet immense espace foncier, notamment pour y construire des équipements pour la ville. Une maquette datant de 1934 indique son ambition.

Dans cet immense quadrilatère occupé par le château et son parc, il désire monter un vaste ensemble, dont un centre de loisirs et une salle polyvalente, car la salle des fêtes derrière la Mairie a fait son temps.

Maquette du futur site du stade. Projet Grisoni en 1934.
Maquette du futur site du stade. Projet Grisoni en 1934.

Étant donné le succès du Stade de Rugby de Colombes lors des Jeux olympiques de 1924, il avait eu l’ambition d’un vaste stade de rugby près de Paris, capable d’accueillir les grands matchs internationaux.

La proximité de Paris offre la possibilité de nombreux transports et notamment de la création d’un arrêt SNCF à l’entrée même du stade (l’arrêt Courbevoie-Sport).

Tous les sports devaient pouvoir être pratiqués. Une piste olympique d’athlétisme était prévue, ainsi que des écoles et lycées, des HBM (Habitations Bon Marché) le long du boulevard de Verdun et un centre médico-social près du pont de chemin de fer.

De plus, le plan local d’urbanisme prévoyait le percement d’une avenue nouvelle (Aristide Briand) desservant le stade. En face, un centre de prévention médicale unique en son genre vit le jour, le Centre Winburn.

Enfin, une nouvelle poste ultra-moderne devait parachever l’ensemble.

Ce Corse sympathique commençait mieux son mandat qu’il n’allait achever le dernier … Mais n’anticipons pas ! 

Les choses prenaient tournure quand, début 1935, la situation change complétement : les arrivées des subventions pour le grand Stade National tardaient. Elles ne devaient jamais arriver.

Le gouvernement avait ses propres difficultés, pris entre les conséquences de la crise de 1929 et le difficile contexte international.

C’est ainsi que le projet de grand stade fut bientôt converti devenir le fameux Cynodrome de Courbevoie…

Le Cynodrome de Courbevoie (1935-1951)

Bernard Accart