Brève histoire des marchés de Courbevoie

La Halle Gravet Collection SHC

L’origine des marchés remonte à la nuit des temps. Le XIXème siècle donna naissance à des Halles à structure métallique, comme la Halle Gravet à Courbevoie en 1886. L’évolution économique de l’après-guerre, avec l’apparition des grandes surfaces à l’extérieur des villes, avait à un moment fait concurrence aux marchés animés et colorés. Non seulement ils ont survécu, mais on assiste actuellement à un regain d’intérêt des habitants pour les marchés et les halles.

La nouvelle halle du marché Charras, inaugurée en octobre 2020, répond à l’attente des habitants pour plus de vie locale et plus de rencontres avec des producteurs issus de terroirs de proximité. La nouvelle halle située dans le cœur de ville complète ainsi l’histoire des marchés de Courbevoie depuis le milieu du XIXème.

Emplacement et ordre d'apparition des marchés de Courbevoie (plan datant de 1934)

Création d’un premier marché en 1853

En 1853, une délibération du Conseil municipal rapporte la cession gratuite d’un terrain situé à l’angle des rues de l’Abreuvoir et du Bleu de France afin d’y créer un marché.

Les tarifs indiqués sont : « Marché à légumes 0.05 fr pour la partie non couverte et 0.10 pour la partie couverte. Marché à fourrage : 0.25 pour chaque voiture à 1 cheval et 0.05 fr pour chaque cheval 0.25 pour chaque cheval supplémentaire et par bête de somme». On voit que Courbevoie est à l’époque encore une cité champêtre.

Ce marché est relié à la rue de Paris par la rue du marché, proche de la rue du vieux pont et du port. Il est situé dans le « bas Courbevoie » d’une grande vitalité commerciale avant que la vie économique ne bascule du fleuve vers le « haut Courbevoie » avec l’arrivée des gares.

C’était un quartier populaire qui vit la naissance  d’Arletty et de Céline.

Cette Place du marché devint par la suite la Place du vieux marché puis la Place des Trois frères Enghels.

La Place du Marché en 1853 et Mairie de Courbevoie
La Place du Marché en 1853 et Mairie de Courbevoie

Anecdote Arletty

Arletty incarnait la Parisienne et, s’exprimant sur ce point, elle confia un jour avec son accent trainant si particulier : « Et pourtant, j’suis pas née à Paris…hein, dites donc, vous parlez si je râlais…Non pas à Paris, mais en banlieue à Courbevoie, rue de Paris, c’est déjà une consolation ! … ». 

La rue de Paris aboutissait place Victor Hugo où se croisaient alors 5 voies. Après-guerre, les programmes immobiliers ont supprimé la rue de Paris, réduisant le carrefour aux 4 voies actuelles. De quoi faire râler Arletty…

Le « Haut Courbevoie » était alors dépourvu de marché. Après la guerre de 1870, une pétition fut envoyée au Maire demandant la création d’un marché sur la place de l’église, en alternance avec celui de Neuilly.

Le Maire donna sa réponse en expliquant que le meilleur endroit serait le long de la nationale 13, après le pont de Neuilly, car d’après l’expérience faite après le siège de la guerre de 1870, le marché réussissait en ce lieu. Cette proposition de réponse du Maire fut approuvée à l’unanimité du Conseil « afin d’avoir un jour un marché au moins prospère ». Il n’y avait donc pas lieu de donner suite à cette pétition…

D’autres propositions de marché eurent lieu. En 1874, un marché volant fut créé place de l’Hôtel de Ville et un projet de marché fut demandé en 1875 en encoignure des rues des Marronniers et de l’Hôtel de Ville.

L’arrivée à Courbevoie de la première Halle de Marché à structure Métallique

En 1883, le Conseil Municipal demanda la destruction du vieux marché de 1853.

Une partie du marché fut alors transférée et le 28 Juillet 1886, le Conseil Municipal se prononça sur le « projet de construction en fer d’un Marché aux comestibles », sur un terrain affecté par la ville en 1886 en face de la Mairie. Ce terrain comprenait une propriété appartenant à l’ancien Maire Blondel et il fut vendu à la ville. La maison devint crèche municipale et gymnase.

Le reste du terrain sera divisé entre un « square de l’Hôtel de ville » et le futur marché couvert.

Le 5 décembre 1886, jour de l’inauguration de la « Halle Gravet » il fut procédé « à la distribution de pain et de viande aux pauvres de la commune ».

La Halle Gravet Collection SHC
La Halle Gravet Collection SHC

Ce marché subsistera jusqu’aux années 1960, il sera ensuite transféré dans le Centre Charras flambant neuf.

La suppression de la Halle et de la rue Gravet permit de compléter l’aménagement de la rue Molière par la construction d’une « Fontaine ». La disparition de cette dernière est aujourd’hui en réflexion afin permettre un aménagement paysager plus actuel.

Construction d’une Halle de Marché à Bécon

Marché Lambrechts ( collection SHC BA1910)
Marché Lambrechts ( collection SHC BA1910)

La Halle de marché suivante sera située dans le quartier de Bécon-les-Bruyères alors en plein développement, une gare ayant été inaugurée en 1892.

En 1899 fut présenté au Conseil Municipal un projet de Marché aux comestibles couvert à Bécon entre la rue Lambrechts (rue A. Silvestre) et la rue Volta. La rue Villebois-Mareuil sera créée à cette occasion. L’ouverture du Marché de Bécon fut fixée au 1er juillet 1900.

Le grand marché volant de l’Avenue Gambetta

Dès le 21 novembre 1889, la proposition d’un marché avenue Gambetta sera mis à l’étude.

Le marché Gambetta sera « volant ». Il devra se tenir dans la partie de l’ avenue Gambetta, entre la rue Kléber et la rue d’Aboukir.

Le projet fut accepté par le Conseil Municipal en 1896. Situé sur la voie publique, il n’y avait pas d’acquisition domaniale à effectuer, mais un traité de concession approuvé par un arrêté préfectoral en janvier 1900 fut signé.

Ce marché connaîtra un immense succès et durera jusqu’à l’après-guerre. Il reste encore de nos jours très présent dans la mémoire collective des anciens courbevoisiens et des putéoliens riverains.

Le Marché avenue Gambetta
Le Marché avenue Gambetta

L’apparition successive, dans un court laps de temps, de ces différents marchés témoigne de l’augmentation de la population accompagnant l’essor industriel de la ville.

La période de l’entre-deux guerres

Le Marché Marceau place du 8 mai 1945 en 2021 ©SHC
Le Marché Marceau place du 8 mai 1945 en 2021 ©SHC

Le Marché Marceau

Après la Guerre de 14-18, le quartier République accroit son développement autour de la gare de Courbevoie.

En 1920, un marché sera créé au square Marceau qui deviendra par la suite la Place du 8 mai 1945 où se tient toujours un marché traditionnel extérieur, sous halle ouverte.

La ville continue son expansion et différentes délibérations témoignent des besoins :

  •  celle du 31 octobre 1928 demandant la création d’une place publique dans les Groues pour ouverture d’un marché aux comestibles place Danton (la SHC n’a pas trouvé de trace de réalisation faisant suite à cette demande)
  • celle du 30 janvier 1929 évoque une ouverture d’un marché aux comestibles quai de Courbevoie sur le trottoir côté Seine (de la limite d’Asnières à la rue Sainte Geneviève).

De l’après guerre à nos jours

Le quartier de Bécon, se reconstruit après les bombardements de 1943 et cherche de nouveaux emplacements pour un marché.

Le Marché Villebois-Mareuil en 2021 ©SHC
Le Marché Villebois-Mareuil en 2021 ©SHC

Une délibération du 9 mars 1953 propose « à titre d’essai » la création d’un marché aux comestibles dans le quartier du bas Bécon (sous le pont de Levallois).

Le Transfert du Marché Villebois-Mareuil

Enfin le 7 janvier 1959, le Conseil Municipal délibère sur l’intérêt pour la ville de créer un marché couvert moderne à Bécon avec des logements dans les étages.

En 1976, le Marché Lambrechts est démoli, il sera remplacé par un nouveau marché inséré au rez-de-chaussée du Complexe du Tripode situé à courte distance.

A l’emplacement du marché Lambrechts, on aménagera le Square Villebois-Mareuil (photo ci-dessous).

Square Villebois-Mareuil en 2021 ©SHC
Square Villebois-Mareuil en 2021 ©SHC

Sur cette vue, on aperçoit l’immeuble en arrière-plan avec son restaurant au rez-de-chaussée, tous deux déjà présents sur l’ancienne carte postale du Marché Lambrechts en 1900.

Avant de revenir au centre-ville, signalons l’apparition d’un marché volant créé en 2015 dans le nouveau quartier du Faubourg de l’Arche. Les deux dernières halles couvertes seront construites successivement dans et à l’extérieur du Centre commerciale Charras.

L’ancien et le nouveau Marché Charras

La destruction de la Caserne Charras en 1962 libéra dans le centre-ville, une emprise foncière considérable. Cela permit un geste architectural novateur et audacieux : la construction du complexe Charras, sorte d’appendice de La Défense. Dominé par la Tour des Poissons véritable « village vertical » bénéficiant à sa base d’un centre commercial accompagné de nombreux commerces, d’un hôtel, d’une piscine, d’un bowling … et divers équipements. À l’époque, un monstrueux autopont routier enjambait le boulevard circulaire de la Défense et permettait de s’engouffrer directement dans le parking du centre commercial.

Une délibération du 20 juillet 1971 traite la question de « l’aménagement du marché couvert «  le Zodiaque ». Mais si ce marché compléta heureusement le projet, il restera un peu confiné à l’intérieur du complexe Charras et non visible des abords du centre.

50 ans plus tard le centre vieillissant se devait d’évoluer. Le modèle architectural issu de la charte d’Athènes, qui présidait à la réalisation du complexe Charras était également devenu obsolète. En 2004, la décision de détruire le viaduc en béton sera le signal d’une restructuration nécessaire du complexe Charras. Sa démolition préfigurera la transformation du cœur de ville.

Un concours d’architectes et d’urbanistes fut organisé. Le projet global de rénovation du centre intégrait la création d’une nouvelle Halle de marché à l’extérieur, avec un parking en sous-sol.

La surface foncière libérée par l’ancien marché et les anciens parkings, tous deux de plain-pied avec le reste du centre, facilitait la restructuration de celui-ci. De même, le départ de la station d’essence cachant une façade du centre va permettre, l’ ouverture de la façade sur l’axe de déplacement et la végétalisation associée. Ce départ était indispensable pour recréer une ambiance commerciale en phase avec son époque. Contrairement aux grandes surfaces à l’extérieur des villes, un centre commercial de centre-ville est « un lieu où l’on peut se rendre sans sa carte bleue ». Pour se rencontrer, échanger, se cultiver, faire du sport, se restaurer, flâner…

La nouvelle Halle Charras

Vue extérieure de la nouvelle halle Charras
Vue extérieure de la nouvelle halle Charras Ville de Courbevoie©

La construction de la nouvelle Halle ainsi positionnée, s’est terminée en octobre 2020. Elle présente en son sein un lieu de restauration.

Avec son architecture emblématique elle poursuit l’histoire des Halles et marchés de la ville. Cet équipement, nécessaire à la cité est aussi une œuvre  en phase avec l’évolution actuelle de notre cœur de ville.

Vue intérieure de la nouvelle halle Charras ©SHC
Vue intérieure de la nouvelle halle Charras ©SHC

Cette brève histoire des marchés de Courbevoie témoigne de l’intérêt porté par les Courbevoisiens, de toutes les époques, à la présence si conviviale des marchés dans la cité.

Bernard ACCART, président de la Société Historique de Courbevoie.