De Bloch-Dassault à l’Aérospatiale

Courbevoie 1938 scaled

Marcel Bloch-Dassault (1892-1986)

Jeune ingénieur, Marcel Bloch travaille depuis 1914 avec un autre ingénieur d’aviation Henri Potez. Ensemble, ils conçoivent d’abord des hélices puis des avions pour l’armée.

En 1928, le Président du Conseil Raymond Poincaré crée un Ministère de l’Air et l’industrie aéronautique se développe. Marcel Bloch crée la SAMB (Société des Avions Marcel Bloch) d’abord installée rue Ledru-Rollin à Paris puis à Boulogne.

Usine Marcel Bloch – 1938 (cliquer pour agrandir)

L’usine Bloch-SNCASO de Courbevoie (1932-1940)

En raison d’un carnet de commandes important, les ateliers s’avèrent trop petits pour construire ses avions et étudier d’autres prototypes. Marcel Bloch loue, en septembre 1932, un local plus grand à Courbevoie au 41-47 quai Paul Doumer dans les locaux anciennement occupés par le constructeur et carrossier automobile Vinet-Boulogne, qui fabriquait aussi des « aéroplanes ».

C’est là que sont construits les dix trimoteurs coloniaux MB 120.

Usine

Le bombardier MB 200

Un bombardier de nuit bimoteur, quadriplace, le MB 200, est lancé. Le prototype est construit à l’usine de Courbevoie. Tout le bureau d’études est convaincu de l’enjeu industriel. Gagner un contrat sur cet avion militaire de grande taille peut permettre à la société Marcel Bloch de s’imposer comme constructeur aéronautique majeur. L’usine de Courbevoie est transformée en 1933. L’établissement est dessiné par l’architecte Georges Hennequin. La construction débute par deux halles de montage et des locaux destinés aux employés. L’entreprise est encore modeste et compte une dizaine de spécialistes dans son bureau d’études. Mais bientôt, elle emploie une soixantaine d’ingénieurs et se spécialise alors dans l’exécution des prototypes et des petites séries.

A l’automne de 1933, trente MB 200 sont commandés. Les services officiels stipulent que la commande de série est à répartir entre les industriels en rupture de plan de charges. Comme Marcel Bloch ne dispose pas de moyens suffisants à Courbevoie pour construire le MB 200,quai cette exigence l’arrange. Il s’accorde avec Henry Potez qui en fabrique vingt-six dans son usine de Méaulte. C’est le retour de la coopération entre Marcel Bloch et Henry Potez.

Fin1934, Bention Grebelsky, futur président-directeur général de Dassault de 1954 à 1986 sous le nom de Benno-Claude Vallières, est engagé au bureau d’études de Courbevoie. Il est le cent soixante-huitième embauché.

En cette période, l’emploi du temps de Marcel Bloch est d’une grande régularité. En fin de matinée, à l’usine de Courbevoie, il s’intéresse particulièrement aux activités du bureau d’études et surtout aux capacités des nouveaux embauchés qu’il tient à juger lui-même. Il inspecte aussi les ateliers et les stocks.

Les congés payés

En 1935, alors que le climat social s’alourdit en France, le principal délégué syndical de l’usine Bloch de Courbevoie, Lucien Ledru, demande six jours ouvrables de congés payés ainsi qu’un contrôle syndical sur l’embauche et la débauche du personnel. Marcel Bloch négocie avec les syndicats et concède une semaine de congés payés. Une première en France. Il propose également à ses ouvriers un intéressement de 20 % sur les bénéfices : « Ils m’ont répondu qu’ils ne tenaient pas à avoir les responsabilités d’une gestion et que, par conséquent, les bénéfices ne les intéressaient pas»

Le 11 mai 1936, dans l’usine Breguet du Havre, une grève éclate accompagnée d’occupation de locaux. Le 14, la société de Marcel Bloch est atteinte par le mouvement qui s’étend à toute la France. L’usine de Courbevoie se met en grève, les sept cents ouvriers décident d’occuper les ateliers et d’y passer la nuit.

Marcel Bloch est inquiet, ses usines ne tournent plus. Il entend alors régler lui-même le problème avec ses ouvriers : « On m’a téléphoné que mon usine de Courbevoie était occupée, c’est-à-dire que les ouvriers étaient dedans, jouaient de la musique, etc. Alors, je suis allé seul à l’usine à huit heures du matin. J’ai parlé avec eux et puis, finalement, tout s’est arrangé. Ils ont évacué l’usine et tout s’est bien passé»

Nationalisation

Le 3 mai 1936, lors des élections législatives, la coalition des partis de gauche obtient la majorité à l’Assemblée nationale. Le 4 juin, le Front populaire est créé : Léon Blum devient président du Conseil et Pierre Cot, ministre de l’Air.

Le Front populaire s’attaque à l’un de ses grands objectifs politiques : nationaliser l’industrie d’armement. Conscient qu’il est plus facile de nationaliser les machines que les cerveaux, l’Etat entend se réserver l’outil de production mais souhaite laisser la possibilité aux firmes qui le désirent de conserver une liberté complète pour les travaux d’études et la réalisation des prototypes, avec les aléas que comportent ces activités.

Pierre Cot a compris qu’il hypothéquerait l’avenir en se privant de la collaboration des constructeurs existants. De plus, il ne possède pas dans son ministère de cadres assez qualifiés pour prendre la direction d’une société nationale. Il offre donc ces postes aux industriels expropriés. Marcel Bloch accepte d’administrer la Société nationale des constructions aéronautiques du Sud-Ouest (SNCASO) dans laquelle il investit 5 millions de francs.

Le 16 novembre 1936 se tient l’Assemblée générale constitutive de la SNCASO. Son siège social est situé à Courbevoie (Seine) au 41, quai du président Paul Doumer. Le même jour, lors de la réunion du premier Conseil d’administration, Henri de l’Escaille est nommé président tandis que Marcel Bloch est nommé administrateur-délégué. Un mois plus tard, le contrôleur général Fernand Hederer, représentant le ministère de l’Air, confirme à Marcel Bloch que ses usines dont Courbevoie (15 500 m²) seront expropriés pour constituer l’essentiel de la SNCASO.

La société se spécialise alors dans l’étude et la réalisation de prototypes de gros porteurs comme les MB 220 et MB 131 ainsi que de chasseurs de la série MB 150 à 155.

Le 24 septembre 1937, Marcel Bloch convoque une assemblée générale extraordinaire afin de changer le siège social. La SNCASO, qui vient d’absorber l’usine Blériot à Suresnes et voit son activité principale reportée dans la région parisienne, installe son siège social à Paris.

Pendant l’occupation, l’usine est placée sous le contrôle des Allemands. Marcel Bloch est arrêté et déporté à Buchenwald. Il parvient à survivre malgré sa santé fragile.

Après le Seconde Guerre mondiale, Marcel Bloch, devenu Marcel Dassault (pseudonyme de son frère dans la Résistance), reprend des activités en recréant sa propre société à partir de ses usines de Boulogne, Saint-Cloud et Bordeaux. Le site de Courbevoie reste à la SNCASO.

(la première partie de cet article nous a été communiquée par le service du patrimoine de la société Dassault Aviation)

 

De la SNCASO à Sud-Aviation et à la SNIAS

L’usine de Courbevoie va devenir un des bureaux d’études et d’essais les plus importants de France.

En mars 1957, la SNCASO est intégrée dans une nouvelle entité baptisée Sud-Aviation et, au cours des années 60, travaille sur un grand nombre d’hélicoptères et d’avions comme par exemple les célèbres Caravelle et Concorde,

En 1970, une nouvelle mutation est opérée et Sud-Aviation est intégrée dans un ensemble baptisé SNIAS (Société Nationale Industrielle Aéro-Spatiale) qui prendra en 1984 le nom d’Aérospatiale puis quelques années plus tard EADS, fabricant d’Airbus.

L’usine de Courbevoie ne connaitra que la SNIAS, car l’usine et le bureau d’études qui employaient jusqu’à 1800 personnes fermera ses portes le 31 décembre 1973.