Mutoscope – Eclipse

Le Mutoscope

27 rue d'Aboukir circa 1900
27 rue d’Aboukir circa 1900

L’American Biograph and Mutoscope Company qui exploite un type de projecteur à manivelle proche de celui breveté par Edison s’installe en France en 1897 avec des spectacles au Casino de Paris qui remportent un vif succès.

La compagnie a été fondée par quatre Américains Dickson, Marvin, Koopman et Kasler (le « syndicat KMCD ») et ses caméras et projecteurs offrent au public une qualité d’image supérieure à la concurrence.

La société s’implante en Europe via sa filiale de Londres qui ouvre à son tour une succursale en France dirigée par Eugène Lauste.

Un accord est passé avec Léon Gaumont qui va fabriquer aux Buttes-Chaumont des centaines de mutoscopes.

Fin 1898, des ateliers et un « théâtre de prise de vues » sont ouverts 27 rue d’Aboukir à Courbevoie  où Lauste possède une maison de campagne.

Les passages suivants sont extraits de l’article de J.J. Meusy et Paul Spehr « Les débuts en France de l’American Mutoscope and Biograph Company », Histoire Economie et Société, 1997

« Les ateliers de Courbevoie comprenaient plusieurs constructions légères sans étage. Les photographies du fonds Lauste, conservées à la Smithsonian Institution, nous fournissent des indications précises sur la nature des installations.

Les ateliers et les studios de tournage
Les ateliers et les studios de tournage (rue d’Aboukir)

On y découvre en particulier le bureau d’Eugène Lauste; une pièce consacrée au moteur central qui actionnait les différentes machines-outils; un atelier de mécanique servant probablement à l’entretien et à la réparation du matériel et peut-être à la fabrication de certaines pièces comme les moyeux de bobines de films et de roues de Mutoscopes ; une machine de tirage; une chambre noire pour le développement des rouleaux de papier photographique sur de grands tambours; un atelier de montage des photographies sur les roues du Mutoscope; un laboratoire de chimie pour la préparation des produits et les divers travaux photographiques.

Les photos prises à l’extérieur montrent notamment les bâtiments déjà cités; le personnel rassemblé devant un atelier (10 personnes); un « théâtre de prise de vues » en plein air orientable en fonction de la lumière avec, lui faisant face, une voiture abritant la caméra; la boutique de la compagnie sur la rue d’Aboukir et le logement du gardien. Il ne semble pas, du moins d’après ces photographies, que la compagnie ait disposé d’un studio vitré.

Un règlement en 25 points était affiché sur les portes des ateliers. On y lisait que la journée de travail était de dix heures, de 7 h 30 à 18 h 30 l’hiver (1er octobre au 30 avril) et de 7 heures à 18 heures l’été (1er mai au 30 septembre). Pendant l’heure du repas, de 12 à 13 heures, les ateliers étaient fermés et personne n’avait le droit d’y pénétrer.

Il était également spécifié que « durant les jours de mise en scène, le personnel ne doit pas quitter son travail et sous aucun prétexte ne doit être aux abords du théâtre à moins que son concours ne lui soit demandé ».

Le point suivant stipulait que « les opérateurs du Biograph n’auront aucunement le droit de pénétrer dans aucun atelier autre que celui réservé aux projections ».

Ce règlement autoritaire (et répressif) semblait avoir tout prévu et recommandait même expressément au personnel « de ne cueillir ni fleurs ni fruits de la propriété » !

« La production française de l’American Biograph atteignait en novembre 1902 (époque de parution de l’American Mutoscope and Biograph Picture Catalogue) 377 films au total, dont trente à quarante ont été exploités également aux Etats-Unis.

En outre, la filiale « française » pouvait disposer des films tournés par les autres filiales et par la maison mère américaine (environ 450 en 1898 pour cette dernière et autant en 1899).  »

La société se mit à tourner et à diffuser des actualités, certaines tournées sur place, d’autres rejouées en studio à Courbevoie.

« Le 15 octobre 1899, l’American Biograph prêtait son concours à une kermesse-tombola des Dames Patronnesses de Courbevoie. »

« L’entreprise participa à l’Exposition Universelle de 1900. Le Grand Guignol, qui avait un petit pavillon dans l’Exposition, signa un contrat aux termes duquel l ‘American Biograph viendrait chaque après-midi montrer « autant que possible tous les sujets d’actualité » et serait intéressée aux bénéfices.

L’American Biograph au pavillon du Grand Guignol – Exposition Universelle 1900

La compagnie effectuait également de temps à autre des projections au Concert de la Grande Roue et avait placé 12 Mutoscopes au Théatroscope dont les affaires marchaient mal et qui cherchait un complément de recette 46. Dans le même temps, Eugène Lauste s’affairait à filmer la Porte monumentale de l’Exposition, le Petit et le Grand Palais, la place de l’Aima, le Pavillon de Paris, le Palais de l’Electricité, le « Vieux Paris », les pavillons étrangers, le Trottoir roulant, des charmeurs de serpents et des danses mauresques, etc., et réalisait même des vues à partir d’un ballon captif, enrichissant ainsi le catalogue de quelque 25 films nouveaux. »

Cependant la compagnie connaît des difficultés financières et doit interrompre ses activités en 1908.

L’Eclipse

Le site de la rue d’Aboukir avait été vendu deux ans auparavant par les propriétaires: M. et Mme Boudet, marchands de beurres à Asnières et une autre entreprise nouvellement créée s’en était portée acquéreuse, la Société Générale des Cinématographes Éclipse.

Les anciennes installations de l’American Biograph constituèrent pendant plusieurs années les seuls laboratoires, ateliers et studio de l’Éclipse en France.

L’acteur René Hervil sur le toit du studio
Emile Pierre et le « Géant de Courbevoie »

La Société fondée par George Henri Rogers et Paul Joseph Roux fonctionna avec ce vieux matériel pendant deux ans avant qu’une augmentation de capital ne permette l’achat de nouveaux outils qui lui donnèrent les moyens de produire 150 films en 1913 sous la direction d’un autre pionnier du cinéma, Emile Pierre. L’Eclipse était alors le quatrième producteur français.

Tournage rue de Neuilly (rue Léon Boursier) – photo Eyefilm
Tournage 15 rue de l’Alma – photo Eyefilm

Parmi ses réalisations, des séries tournées avec les personnages de Fred, Arthème et Polycarpe connurent un grand succès populaire. Ces courts films sont disponibles sur le site de la Cinémathèque d’Amsterdam.

Aucun film ne fut plus tourné après la guerre de 14-18, mais la société connut encore une activité de distribution à Courbevoie jusque dans les années 30.

Ciné-Journal – 09 août 1919 – Gallica / Cliquer pour agrandir

Sources:

Photos Eyefilm, JJ Meusy, Smithsonian Institution

Une recherche méticuleuse et remarquable sur ce site américain https://www.thecinetourist.net/eclipse.html

Tout sur L’Eclipse:

https://cine0819.hypotheses.org/189

https://www.persee.fr/doc/1895_0769-0959_1993_hos_1_1_1012

https://grimh.org/index.php?option=com_content&view=article&id=4426:1896-1906-productor-eclipse&catid=74&Itemid=717&lang=fr

La fondation et l’installation de la société Éclipse

La référence sur les premiers temps du cinéma et en particulier le Mutoscope: https://www.persee.fr/doc/hes_0752-5702_1997_num_16_4_1969

Cinémathèque d’Amsterdam: https://www.eyefilm.nl/en

« Arthème Lupin échappe encore » https://archive.org/details/artheme-dupin-echappe-encore-ernest-servaes-fra-1912

Séries de photos Polycarpe: http://www.auctionartparis.com/ventes-aux-encheres-469/2019-10-17-collection-philippe-legendre-photographies-cinema-muet-1900-1929/106582-emile-pierre-realisateur-eclipse