Maurice Mallet est la personnalité la plus ancienne de notre évocation des hommes de l’air inhumés dans le cimetière de Courbevoie.
Maurice Mallet est né le 17 avril 1861 à Paris. C’était un des plus talentueux pilote de ballons, de dirigeables ou d’avions. Il était également un constructeur et un industriel, compétent et fiable. Cet homme a été apprécié par ses pairs. Il n’a jamais oublié sa première passion d’artiste-peintre.
Dans le Cimetière des Fauvelles, la sépulture de Maurice Mallet est surmontée d’une sculpture en forme de médaille précisant sa qualité d’Aéronaute.
En dessous, se trouve une palme avec cette mention « Co-fondateur de l’Aéro-Club de France ».
Ce pionnier de l’air a beaucoup inventé, volé et navigué. Parmi les hommes de l’air, il a laissé une belle image de l’aérostation et de son devenir.
Une vocation précoce
Enfant, Mallet découvre avec fascination le ballon captif d’Henry Giffard, ce qui va déclencher sa passion aéronautique. En 1879, il effectue sa première ascension.
Cinq ans plus tard, il a déjà accompli de nombreux voyages et fonde avec l’aéronaute Joris « l’Union Aéronautique de France ». Il commence à se faire un nom grâce ses qualités de naviguant.
En 1887, Guy de Maupassant nous fait partager son aventure aéronautique avec Mallet :
« En une seconde, nous sommes partis. On ne sent rien : on flotte, on monte, on vole, on plane. Nos amis crient et applaudissent, nous ne les entendons plus ; nous ne voyons qu’à peine. Nous sommes déjà si haut ! »
En 1887, il est déjà monté à 7000 mètres. Il bat de nombreux records en hauteur, en distance et en durée.
Création de sa première société
À 35 ans, en 1896, Mallet s’était associé avec le comte Henry de La Vaulx pour fonder, avec quelques autres, la Compagnie « Mallet, Mélandri et de Pitray ». Ils se spécialisent dans de petits ballons au gaz pour le sport et le tourisme.
Puis, autour de 1897-1898, Mallet exploite un ballon captif, rue Spontini. Il se crée un groupe de jeunes sportifs. Mallet par ses qualités humaines et techniques en devient le centre. Ils fondent l’Aero-static-club..
La rencontre avec le comte Henry de La Vaulx initie une amitié durable et prolifique. L’entente est totale et le restera longtemps. Les deux groupes qui accompagnent ces deux hommes se rencontrent et s’associent.
C’est ainsi que le 20 octobre 1898 Mallet devient co-fondateur de l’Aero Club de France.
La Construction de Ballons et de Dirigeables
Une synergie se produit avec sa société qui se développe et devient en 1899 les « Ateliers Aéronautiques Maurice Mallet ».
Le 12 juin 1899, il participe à la Coupe des Aéronautes organisée par l’Aéro-Club de France. En compagnie de Henry de la Vaulx, il gagne l’épreuve avec son ballon Le Centaure.
En septembre 1899, avec le même ballon, il atterrit en Suède à Westervik. Ceci représente un voyage de 1 300 kms en 23 heures qui le place alors dans les records mondiaux de distance !
En 1901, lorsque se créera le premier brevet de pilote, le Brevet n°1 lui fut décerné par ses pairs.
En 1908, il crée la Société Française des Ballons dirigeables qui deviendra les Anciens établissements Maurice Mallet, et prendra par la suite le nom de marque Société Zodiac qui se spécialisera dans la construction de ballons et de dirigeables.
La montée en puissance de la Société Zodiac
En 1902, à la suite du dramatique accident de l’immense dirigeable Seveso au-dessus de Paris, le hangar de protection du Seveso n’a plus d’objet. Mallet le rachète et le transporte à Puteaux, à la limite de Courbevoie, au 10 de la rue du Havre (les n° pairs sont sur la ville de Puteaux, les n° impairs sur Courbevoie).
Hangar Zodiac
C’est un des terrains en forme de triangle qui entourent la place de La Défense, comme des parts de gâteaux.
Ce détail est important, car des années plus tard, le départ de la société Zodiac libéra une surface de terrain. Cette dernière, avec les autres lots de ce vaste triangle permettra d’obtenir une vaste surface foncière permettant la construction d’un grand Centre d’expositions.
C’est sur ce terrain en triangle, qu’après la guerre s’édifiera le CNIT, qui sera le premier bâtiment à être édifié dans cette partie de l’ouest parisien qui deviendra «La Défense».
La forme du terrain en triangle va être à l’origine de la forme audacieuse de cette immense cathédrale de Béton, qui n’a que trois points d’appui aux extrémités du triangle.
La vue aérienne de cette bulle de béton avec son découpage en quartier ressemble à une vaste montgolfière en train de se gonfler, faisant apparaître des tranches créées par le positionnement des coutures…
C’est sur ce terrain, qu’en 1902 Mallet construisit le premier dirigeable de 2 000 m3, « Ville de Paris » pour Henry de La Vaulx sur laquelle est affichée, l’annonce publicitaire « LE PETIT JOURNAL »
En 1910-1911, 2 petits dirigeables furent livrés, l’un pour un américain et l’autre au gouvernement des Pays-Bas. En 1910, c’est l’époque où l’aviation décolle (si l’on peut dire).
Les progrès sont incessants. Mais beaucoup doutent encore de l’avenir des plus lourds que l’air. Il faut avoir à l’esprit que les moins lourds que l’air avaient énormément progressés et pour les esprits cartésiens faire voler un plus lourd que l’air s’adressait à des aventuriers prêts à prendre tous les risques !
Ce n’était pas l’avis de Mallet. Il avait construit des ballons et des avions pour d’autres. En 1900, Zodiac va construire un avion ressemblant au Farman, qui fit une carrière d’appareil-école.
Le terrain de Saint-Cyr qui appartenait à la Société Zodiac, lui permettait d’essayer ses prototypes.
Comme le rappelle Charles Dollfus dans la revue Pionniers, la Société Zodiac avait dans son équipe un jeune ingénieur, Jacques Labouchère, qui connaissait bien le vol des avions.
On lui confia l’étude d’un appareil en avance sur son temps. Labouchère a en tête les caractéristiques théoriques qui président à la construction d’un avion performant.
- L’aérodynamique : il conçoit en 1909 un avion au fuselage entoilé par un matériau le plus lisse possible.
- Des ailes peu larges mais avec une grande envergure de 15 mètres. Ce principe sera adopté des années plus tard par le constructeur Hurel Dubois avec succès, car la portance est plus élevée.
- Un décalage des deux plans, pour moins d’interactions etc…
Mais en 1913, la direction de l’aéronautique militaire demande à la société Zodiac d’arrêter les études sur les avions pour se reporter uniquement et exclusivement sur la construction de dirigeables ou de ballons d’observations.
Cette méconnaissance de l’avenir de l’aviation étonne aujourd’hui. Pourtant nous étions à la veille de la guerre 14-18. Il faut dire qu’à l’époque, il existait encore des militaires qui pensaient que les avions n’avaient pas le poids de l’artillerie et de l’occupation du terrain.
L’aviation étaient seulement perçue comme utile pour être « les yeux de l’armée de terre« . Cette théorie a conduit, à créer, avant la 2nde guerre mondiale, la ligne Maginot, avec le succès que l’on connaît.
En 1913, le ministre de la guerre commande un dirigeable de 9500 m³, le Commandant Courtelle. La première ascension à Saint Cyr, avec le pilotage par Spielman et Pierre Debroutelle, révèle leur talent. Ils deviendront les grands spécialistes de réception des appareils et des essais et des mises au point.
C’est à cette époque, que la société Zodiac livre le seul dirigeable rigide français le Spiess. Chaque nacelle porte un moteur, et il ressemble par sa taille et son allure à un Zeppelin.
Cependant les militaires avaient une opposition de principe sur le modèle des dirigeables rigides.
L’après-guerre
Pendant la guerre, l’armée cherchait à disposer de gros croiseurs de 20 à 25 000 m3. Au contraire, Maurice Mallet était attiré par des modèles de dirigeables Zodiac.
Par exemple, on peut citer la construction à Courbevoie en 1920 d’un très petit dirigeable dédié au sport et tourisme de 1000m3 avec un moteur Anzani de 60 CV.
Deux places étaient prévues, dont l’une pour le pilote Débroutelle, qui fit des centaines d’ascensions sans incident. Ce dirigeable était facilement démontable et transportable en charrette.
Ces petits dirigeables étaient aussi très utilisés par les écoles de pilotage.
Ce fut aussi en 1920, la construction des premières Vedettes et la construction des célèbres modèles Vedettes VZ et VZ 6 à partir de 1923.
De nombreux autres Zodiac furent construits pour l’aéronavale, à nacelles fermées en 1924.
Certains modèles furent célèbres car ils ont servi pour des campagnes publicitaires, par exemple pour les Laines Pernelle ou le Quinquina Saint-Raphaël.
C’est en 1924 qu’apparaissent des nacelles fermées pour l’aéronavale.
Alfred Gaillard revint en 1926 à la société Zodiac et proposa d’autres modèles comme la V7. Mais l’année 1926 est marquée par le décès de ce patriarche exceptionnel.
La société Zodiac après la disparition de Maurice Mallet
Après la disparition de Maurice Mallet, la Société Zodiac continua ses productions, elle a produit une soixantaine de dirigeables durant son existence.
Quand fut venu le temps de céder son terrain de Puteaux, elle déménagea un temps à Courbevoie, au 16, rue Victor Hugo, avant d’aller en province.
Forcée de s’adapter à l’évolution du monde, la société se spécialisera dans la production de bateaux en caoutchouc que rendit célèbre le commandant Cousteau et d’autres comme Alain Bombard. Aujourd’hui le nom de Zodiac est devenu un nom propre représentant un type de bateau à boudins en caoutchouc.
La Société Zodiac, Anciens Etablissements Maurice Mallet, méritait ce développement. Nous n’avons pas la place ici de développer davantage la richesse humaine de cette personnalité.
Rappelons cependant ses talents de peintres qui resteront présents toute son existence : il a exposé plusieurs fois au Salon des indépendants avec succès. Ce talent artistique particulier se retrouve dans sa façon de piloter et de créer, avec une intuition juste.
Le directeur du Centre d’Essais en Vol (CEV), du temps de la Conquête du mur du son, le général Louis Bonte, reprend dans un livre sur les débuts des Essais en vol, la phrase du Capitaine Ferber en 1904 :
« Concevoir un machine Volante n’est rien. La construire est peu. L’essayer est tout. »
Maurice Mallet avait ces trois talents. La ville de Courbevoie est fière de l’avoir accueilli de son vivant et pour son repos !
Bernard Accart, Président de la Société Historique de Courbevoie.