La maison Guerlain est la plus ancienne maison française de parfums et cosmétiques de luxe. Lorsque Guerlain s’installe à Courbevoie dans le quartier de Bécon-les-Bruyères l’histoire de Guerlain est déjà longue et prestigieuse.
De la naissance des parfums Guerlain à l’installation à Courbevoie
Son fondateur, Pierre François Pascal GUERLAIN, nait à Abbeville dans la Somme le 8 avril 1798. Son père est marchand potier en étain. Rien ne le destine à devenir parfumeur.
Après des études au collège d’Abbeville, il quitte le giron familial et, pendant plusieurs années parcourt l’Europe comme commis voyageur pour différentes maisons de parfumerie.
A cette époque, les produits ne sont ni élaborés ni stables et il affronte les nombreuses réclamations des revendeurs.
En septembre 1825, il part en Angleterre et découvre des cosmétiques nouveaux et de bonne facture. Il revient en France, persuadé que la qualité des produits et la maîtrise de la chaîne, de leur fabrication à leur distribution, sont les clés du succès.
Une première boutique rue de Rivoli à Paris
En 1828, il ouvre sa première boutique, au 42 rue de Rivoli à Paris, en tant que « parfumeur vinaigrier ». Il profite de son expérience anglaise pour importer et vendre des produits cosmétiques d’Angleterre, telle la lotion de Gowland contre les points noirs, les rougeurs et les taches de rousseur, tout en créant ses propres produits.
Fort de son expérience, il crée ses premiers produits de soin de la peau qui, par leur qualité et leur innovation, attirent une clientèle bourgeoise.
A cette époque, les convenances sociales ne tolèrent que des eaux florales et vinaigres de toilette à visée hygiénique. Le parfum, à l’odeur forte, ne doit pas toucher le corps et imprègne gants et mouchoirs.
Parmi les eaux pour la toilette qu’il propose, on retiendra : l’eau balsamique de Judée, l’eau de toilette perfectionnée pour blanchir et embellir la peau, l’eau de lavande ambrée ou l’eau de Chypre pour la toilette, l’eau aromatique de Montpellier surnommée eau des Souveraines.
Il commercialisera aussi des dentifrices et préparations odontologiques tel que le tartrate de quinine pour l’entretien des dents et des gencives, l’alcoolat de cochléaria et cresson au quinquina pour les dents.
Il développe aussi de nombreux produits pour l’entretien de la chevelure et de la barbe : l’huile athénienne pour les cheveux, la crème de Cydonia pour lisser et fixer les cheveux, le Liparolé de quinine composé dit pommade de Dupuytren contre l’alopécie (après 1840), la crème saponine d’ambroisie pour la barbe…
L’innovation perce constamment sous chacune des formules mises au point. On reconnaît ses talents de chimiste et sa propension à faire de véritables cosmétiques aux noms poétiques à partir de produits à vocation pharmaceutique.
Il installe sa première usine, on parle alors de fabrique, le long des remparts de Paris, 2 avenue de Saint Cloud, à la Barrière de l’Etoile (angle de la rue Kléber et de la Place de l’Etoile).

En 1839 il dépose son premier brevet d’amélioration d’une lotion destinée à blanchir et purifier la peau, puis les inventions se succèdent.
En parallèle, il développe ses propres parfums avec pour chacun une touche unique.
Guerlain rejoint la rue de la Paix
Le succès des affaires est au rendez-vous.
En 1842 la Maison Guerlain s’installe au 15 rue de la Paix qui devient vite la rue du raffinement et des élégances.

Ces produits uniques attirent également la clientèle prestigieuse de têtes couronnées et il obtient plusieurs brevets de fournisseur officiel : celui de la grande Duchesse de Bade, de la Duchesse de Wurtemberg, ou encore de la Reine des Belges.
En 1853, année du mariage de l’empereur Napoléon III, il dédie à l’Impératrice Eugénie sa dernière création : l’Eau de Cologne Impériale.

Cette création, dans un flacon aux abeilles dorées qui devient mythique, enchante l’Impératrice (photo ci-contre).
Il se voit décerner le titre de « Parfumeur breveté de sa Majesté ».
La fabrique, située Barrière de l’Etoile déjà ancienne et trop petite, n’a plus de raison d’être dans un quartier en pleine mutation.
En 1854, Pierre François Pascal GUERLAIN achète des terrains à Colombes et y fait construire son laboratoire et ses ateliers de fabrication. Le succès ne faiblit pas.
En 1864, il décède au fait de sa gloire et ses deux fils Aimé et Gabriel lui succèdent. Gabriel sera le gérant de la société.
Les expositions internationales de toutes sortes, la transformation de Paris, l’électricité, la photographie, les transports, les communications…ouvrent les portes d’un nouveau monde.
C’est une époque où la chimie progresse énormément. De nouvelles matières premières, de nouvelles molécules de parfumerie, de nouveaux solvants capturant les subtiles essences des fleurs voient le jour.
En 1875, l’Opéra Garnier est inauguré et Guerlain, à deux pas, offre à sa riche clientèle un choix de plus de 400 produits, parfums, soins, dentifrices, maquillages.
En 1889, année de l’inauguration de la Tour Eiffel et de l’Exposition universelle, Aimé Guerlain créé « Jicky », le premier parfum moderne qui allie molécules naturelles et de synthèse.

1894-1943 L’usine de Bécon-les-Bruyères : 50 années au service du succès de Guerlain
En 1894, l’usine de Colombes est transférée à Bécon-les-Bruyères.

En 1895, Jacques GUERLAIN, formé par son oncle Aimé qui n’a pas d’enfant, créé sa première œuvre « Le Jardin de mon Curé »; en 1904 « Mouchoir de Monsieur », en 1906 « Après l’Ondée », en 1912, « l’Heure Bleue ».
Il est alors reconnu comme l’un des plus grands nez de son époque.
En 1898, petite révolution en maquillage avec la création du premier rouge à lèvres en bâton « ne m’oubliez pas ».
En 1904, Guerlain crée « Secret de bonne femme » une crème dont la texture légère et hydratante révolutionne le soin. Cette crème sera commercialisée jusque dans les années 1990.

En 1914, la Maison Guerlain déménage au n°68 de l’Avenue des Champs-Elysées. La terrible guerre qui a mobilisé toutes les forces du pays durant quatre années s’arrête enfin.
Jacques crée en 1919 « Mitsouko » héroïne du roman de Claude Farrère « la bataille ». Les années folles, avec leur concert de créativité et de croissance s’installent. L’industrie cosmétique bénéficie des progrès technologiques de l’industrialisation et de plus en plus de femmes ont accès à la beauté.
Le célèbre parfum Shalimar est créé en 1925 et l’exposition Internationale des Arts décoratifs réservera un triomphe à son flacon. En 1935, Guerlain ouvre boutique Place Vendôme.
En 1936, les français découvrent la joie des congés payés et peuvent goûter au plaisir du soleil avec, pour les accompagner, une gamme de produits dont une huile pour brunir et une autre contre le soleil.
En 1939, la maison GUERLAIN, ouvre au 68 Champs-Elysées son premier Institut de beauté réalisé par plusieurs artistes de grand renom : Christian Bérard, Giacometti et Jean-Michel Franck, grand décorateur de l’époque. Quatorze cabines et une vingtaine d’esthéticiennes y appliquent des soins du corps, du visage, manucure, pédicure. Les soins d’institut reposent sur des formules et une gestuelle de massage uniques.
La guerre éclate et en septembre et décembre 1943, l’usine de Bécon-les-Bruyères est détruite par des bombardements.
1947-1995 La nouvelle usine et son Centre de Recherche à Courbevoie : à nouveau près de 50 ans au service du succès de Guerlain
Courbevoie, un des berceaux de l’industrie pharmaceutique, a vu dans les années 1900 des parfumeurs y installer leurs usines et un nouvel écosystème naître.
C’est donc tout naturellement qu’en 1947, une nouvelle usine ultramoderne est construite à Courbevoie.

Elle intègre un laboratoire de recherche et développement dirigé alors par un ingénieur chimiste de talent.
Dès 1950, de nouveaux produits de soin de la peau et de maquillage, plus subtils, plus efficaces, faciles à appliquer et d’un luxe certain voient le jour.

Guerlain est reconnu pour sa qualité, son image de prestige et exporte aussi bien aux Etats-Unis qu’au Japon.
Jean-Paul Guerlain, accompagne son grand-père Jacques chaque matin à la nouvelle usine et apprend à reconnaître déjà une bonne centaine de matières premières naturelles et de synthèse.
Il se perfectionne alors en voyageant et en rencontrant les divers fournisseurs de matières premières.

En 1959, à 22 ans, il crée « Vétiver », et en 1962, de retour du Népal, « Chant d’Arômes ». Passionné d’équitation, en 1965 il crée « Habit rouge » puis « Chamade » en 1969 inspiré par un roman de Françoise Sagan.

Le catalogue de produits se resserre et les lignes de produits de soin de la peau et de maquillage sont plus ciblées.

Une usine spécialisée pour les cosmétiques
En 1973, Guerlain à Chartres construit une usine ultramoderne dédiée à la fabrication de ses cosmétiques. Cette usine intègre alors les méthodes d’analyse, de fabrication et de contrôle les plus modernes.
A partir des années 1980, les produits de soin vivent un renouveau avec la gamme « Issima » accompagnée, en 1986, de la ligne « Évolution » destinée à prévenir les signes de l’âge et, en 1993, d’une ligne dédiée aux peaux sensibles et fragilisées « Odélys ».

Le maquillage ne peut que s’enorgueillir du succès mondial des billes Météorites et de la poudre Terracotta.
L’usine de Courbevoie se recentre sur les parfums. Devenue trop petite à son tour, une usine est construite à Orphin, près de Rambouillet en 1993.
L’usine de Courbevoie ferme définitivement en 1995.
Une page nouvelle
En 1994, riche de ses savoir-faire et de son image, la maison familiale Guerlain entre dans le groupe de luxe LVMH. Guerlain, fière de son histoire va porter dans le monde le savoir-faire et la qualité des parfums et cosmétiques français.
La Maison Guerlain est labellisée « Entreprise du Patrimoine Vivant », en reconnaissance de ses savoir-faire d’exception.
L’année suivante, l’usine de Courbevoie, devenue à son tour trop petite, ferme en 1995.
Aujourd’hui, la boutique historique du 68 Champs Elysées accueille en permanence des pièces du patrimoine, des expositions ainsi que les parfums, soins et maquillages actuels.
Article de Frédéric Bonté, Docteur ès sciences pharmaceutiques, membre de l’Académie nationale de Pharmacie . Frédéric Bonté est un ancien Courbevoisien. Il participe par ailleurs activement à la Société d’histoire de la Pharmacie La SHC remercie vivement l’auteur pour sa collaboration au démarrage de notre site Internet.