Présentation de l’architecte Art Nouveau, Eugène Coulon (1872-1942), qui fut l’architecte communal de Courbevoie au début du 20e siècle et s’est impliqué dans des projets privés particulièrement réussis, que nous allons vous faire découvrir dans cet article.
Une architecture particulièrement intéressante s’est développée dans l’ouest parisien entre les guerres de 1870 et de 1939, où l’on a vu se développer de très nombreuses réalisations novatrices. Les découvertes techniques, les nouveaux matériaux, les innovations décoratives étaient incessantes dans une période de forte expansion de la banlieue parisienne.
A Courbevoie, l’évocation de cette période architecturale se décline chez de nombreux architectes. Eugène Coulon est un exemple intéressant car il a la particularité d’avoir été, l’architecte communal de Courbevoie et de s’être impliqué dans des projets privés particulièrement réussis.
Il s’est également associé à de nombreux confrères, en particulier, les frères Paul et Albert Leseine, très actifs sur la ville de Colombes et aux alentours.
Eugène Coulon est né en 1872 et mort en 1942.
Il entre à l’école des Beaux-arts de Paris où il est l’élève d’Emile Bernard.
En 1893, devenu architecte, il participe aux salons de 1893 et 1894.
Il se lie d’amitié avec les frères Paul et Albert Leseine, qui ont fondé la société Leseine Frères. Il s’associe à eux et de 1898 à 1903. Coulon et les frères Leseine auront un bureau commun à Courbevoie, 33 rue Victor Hugo et ils participent ensemble à des projets à Asnières, Garches et Colombes.
On peut remarquer un point jamais signalé : il existe au 84 rue Ségoffin à Courbevoie un immeuble de rapport des frères Leseine qui est la copie conforme d’un même immeuble à Colombes et signalé dans cette ville comme comme construit en coopération avec Coulon (3 place Général-Leclerc, Colombes). A Courbevoie et à Colombes seul le nom de Leseine figure en façade.
Coulon s’est aussi associé avec de nombreux confrères locaux et parisiens.
Coulon, architecte communal de la ville de Courbevoie
Coulon est architecte-expert de 1903 à 1925. Il occupera le poste d’architecte communal de la ville de Courbevoie, et d’ex-architecte de la ville de 1911 à 1921. Ce sont, à l’époque, des fonctions convoitées.
Avoir la confiance d’une collectivité est un atout car, d’une part, c’est un gage de sérieux, d’autre part, vous êtes en contact avec tous les corps de métiers. Ingénieurs, entrepreneurs, sculpteurs. Ces deux dernières personnes sont importantes et signent souvent leurs œuvres à côté de l’architecte, ainsi que certains décorateurs céramistes.
Comme architecte communal, il participe à différents travaux : une salle des fêtes est aménagée derrière la mairie en 1897. Des modifications seront entreprises en 1909 avec l’architecte A. de Grimaldi, ainsi que des réparations de la toiture en 1907 et d’autres travaux en 1912.
C’est une salle des fêtes importante ( 1200 places) et qui sera le témoin de nombreux événements, jusqu’à ce que le maire Grisoni se décide à construire un nouvel équipement au stade de Courbevoie avant la dernière guerre.
Toujours comme architecte communal, il aménagera un pavillon de gardien à l’entrée du cimetière du Révérend Père-Corentin-Cloarec.
En 1909 il participera aussi au groupe scolaire de Bécon et à l’agrandissement d’une maternelle en 1908. Différents autres travaux seront nécessaires pour le groupe scolaire de Bécon.
Construction de maisons pour des particuliers
Arrivé à la moitié de sa vie, Eugène Coulon décide de s’investir dans le cœur du métier d’architecte, en proposant son talent à des personnes privées.
Le bouillonnement technique et sociologique, qui s’exprime à cette époque, est à l’origine de l’apparition d’une architecture nouvelle, parfois originale et inspirée. L’enrichissement et les progrès techniques se traduiront par une évolution de l’apparence des habitations.
Les villas en briques multiplient leurs décorations. Des calepinages géométriques montrent le savoir-faire des ouvriers maçons. Des briques de couleur s’ajouteront aux 3 couleurs usuelles (jaune, rouge et noir). Des établissements spécialisés proposent des briques vernissées et des céramiques décoratives s’industrialisent. L’association brique-meulière se développe.
Le mouvement de l’Art Nouveau s’inscrit maintenant sur les façades.
Maison particulière à Bécon
On peut donner un premier exemple avec la maison particulière qu’il construit à Bécon vers 1905 avec l’architecte P. Gardin.
En plus de l’association de la brique et de la meulière des décorations de céramique complète la décoration de la façade et surtout des mosaïques apportant une touche particulière.
La mosaïque n’est pas réservée à l’extérieur, comme le montre celle du sol de l’entrée et de l’office qui imite l’apparence un tapis.
L’architecte dispose 4 culots figurés, sculptures de 4 personnages de différents métiers, pour le plus grand plaisir du regard.
Maison Place de l’Eglise
Puis après cette expérience, c’est en 1906 un nouveau projet au 2 place de l’église, au coin du Boulevard Saint-Denis, qui retient l’attention.
Les décorations en brique sculptent la façade par leur agencement géométrique, entourant les carreaux de céramiques surmontant les fenêtres. Les appuis montrent un travail de ferronnerie mettant en valeur l’ensemble.
La signature E. Coulon s’accompagne de celles de l’entrepreneur Dhéron et du sculpteur A. Louis
La marquise en verre qui surmonte l’escalier d’entrée est typique de l’Art Nouveau et, bien que dissimulée derrière la végétation, on voit juste en dessous de celle-ci un délicieux mascaron où le sourire d’un visage de femme accueille le visiteur. La décoration propre à l’Art Nouveau ne peut que charmer le passant.
Les travaux récents sur la place Hérold mettent en évidence ces deux œuvres architecturales : l’Eglise Saint Pierre-Saint Paul de couleur blanche aux formes géométriques fait contraste par sa beauté classique avec la profusion décoratrice et colorée voulue par Coulon.
Les immeubles de rapport
L’avantage des architectes de banlieue ou des architectes locaux était de ne pas être en concurrence directe avec la grande architecture classique comme à Paris. Ils étaient plus libres pour aller au bout de leurs idées et y déployer leur savoir-faire.
Après son expérience dans la construction de ces maisons particulières et raffinées, montrant son talent, Coulon reçut des commandes pour des projets d’immeubles de rapport.
L’immeuble du 7 rue Armand Silvestre
Le premier, construit au 7 rue Armand silvestre, était un immeuble important, comprenant de nombreux appartements sur 5 étages ainsi que la construction 600 m2 d’ateliers pour l’Entreprise de Restauration de Tapisserie Pendu.
C’est pour cette raison que l’on trouve, en façade, une enseigne en céramique représentant un fuseau.
À ce sujet, on pense à un autre immeuble comprenant ce genre d’entreprise existant au centre de Courbevoie, rue de Belfort.
Tout le monde connaît la signalisation en céramique au-dessus du portail d’entrée : « Entreprise de nettoyage de tapis » mais si les badauds curieux, lèvent leurs regards ils découvriront aussi, un peu plus haut, une enseigne en céramique représentant un « Rouet ».
Cela nous rappelle que la première industrie de Courbevoie a été pendant longtemps la blanchisserie. Au fil du temps de nombreuses maisons de nettoyage spécialisées dans le nettoyage des tapis et des tapisseries étaient aussi présentes sur la ville.
La plus célèbre maison fut la Maison Chevalier qui existait Boulevard de la Mission Marchand. Connue dans le monde entier, cette Maison a remis à neuf des tapisseries célèbres, anciennes ou précieuses.
L’immeuble de rapport du 7 rue Armand Silvestre a vu ses ateliers se transformer entre les deux guerres en logements d’habitations.
L’immeuble du 14 rue Gallieni
Vers 1900, Coulomb fut chargé de la construcon d’un autre immeuble de rapport, 14 avenue Gallieni.
Le génie créatif de cet architecte est ici remarquable. Il n’hésite pas à inventer une autre façade où la meulière et les éléments de céramique s’associent pour constituer une façade originale.
L’élément le plus connu est la décoration du portail d’entrée qui a été réalisée par les céramistes Janin et Guérineau.
L’immeuble une fois terminé, Coulon y installera son bureau.
Coulon, un homme adapté à sa société et son époque
Son œuvre à Courbevoie nous dévoile un homme adapté à sa société et son époque, partageant avec passion son art, la vie communale, ses nombreux associés et s’adonnant à des projets particuliers avec beaucoup de sensibilité et d’imagination. Ce fut un serviteur zélé de l’Art Nouveau.
Le pastel ci-dessus nous dévoile un homme devant posséder une riche vie intérieure et une grande sensibilité artistique.
Ce qui est assez remarquable, c’est que Coulon représente parfaitement ces architectes locaux qui ont opéré à cette période. Certains ont vu passer le style éclectique et se sont enthousiasmés ensuite pour à L’Art Nouveau, puis l’Art Déco et ensuite l’Art Moderne. Certains, comme la famille Barbier, sont devenus architectes de père en fils.
Les évolutions suivantes allèrent vers plus de simplification, plus de standardisation, des méthodes de construction plus économiques, pour pouvoir loger plus rapidement des populations en augmentation constante.
Les architectes locaux se sont éloignés de cette standardisation, pour se rabattre sur les maisons des particuliers. Mais cette clientèle a de plus en plus été sollicitée par des catalogues de maisons standardisées qui ont rapidement envahi le paysage banlieusard.
Les modèles ne se sont différenciés parfois que par une petite tourelle à droite ou à gauche ou par une couleur de façade différente.
Ce vide dans la suite de la biographie de Coulon est peut-être le signe d’un éloignement de ces considérations trop commerciales en contraste avec sa démarche artistique intérieure ? Ou peut être a-t-il voyagé, car un journal signale sa mort en 1942 en Afrique du nord.
Bernard Accart
Bibliographie
Hommes et métiers du bâtiment (1860-1940). L’exemple des Hauts-de-Seine. Cahiers du Patrimoine. Editions du Patrimoine.