Angle avenue Séverine, Place Sarrail, Avenue Pasteur
Construit en 1909 au 3, avenue Séverine à Courbevoie cet immeuble est l’œuvre de l’architecte Eugène-Louis MOURZELAS (1857-1924). Elève à l’Ecole des Beaux-Arts en 1878, il collaborera ensuite avec son fils René-Eugène MOURZELAS (1881-1979) également élève des Beaux-Arts entre 1900 et son diplôme en 1910. À partir de 1900 le père et le fils collaborent.
Architecture générale
Cet immeuble est de style Art Nouveau. La présence de figures végétales et animales évoque le thème de la nature particulièrement en vogue à l’époque. On remarque une grande douceur dans les formes et les couleurs.
Situé en angle en face de la gare de Bécon, cet immeuble présente trois façades :
La façade comprenant l’entrée avenue Séverine :

Cette façade présente une entrée constituée d’un portail en chêne discrètement décorée. La partie supérieure, en arc de cercle, possède des ferronneries protégeant les vitres.
L’ensemble est entouré d’une maçonnerie blanche en ogive, épousant sobrement le portail.
À son sommet s’impose un « cuir » en bordure de « cartouche » autour duquel partent d’exubérantes sculptures représentant une glycine.
Cette frise végétale incolore va se retrouver sur les trois façades, au-dessus des balcons en saillie.
Une autre frise florale en carreaux de céramique, colorés de teintes bleutées, vient valoriser ponctuellement certains espaces des façades.
Les appareillages en brique sont enrichis de motifs décoratifs constitués de briques vernissées. (photo ci-dessus)
La façade sur la place Sarrail :

Cette façade est travaillée dans les trois dimensions, comme une sculpture, et offre de subtils décors floraux. On découvre des détails architecturaux combinant les différents matériaux avec raffinement, notamment au dernier étage, l’étage noble depuis l’invention de l’ascenseur.
Les ferronneries des balcons sont constituées d’un quadrillage de lignes droites, sur lesquelles s’accrochent de fins motifs décoratifs.
Il se dégage, curieusement de l’ensemble de tous ces éléments, une certaine musicalité.
Un motif de fleurs dans les tons pastel forme une frise végétale enserrée dans des caissons de style art nouveau.
On remarque que si cette frise de carreaux bleus épousait le plat de la façade, à cette distance du sol elle serait peu visible du passant. Or elle est légèrement inclinée, en corniche, de façon à être plus lisible vu du sol.
Dans les angles on remarque que les caissons restent arrondis ce qui n’a pas dû faciliter la pose des carreaux de céramique.


Cette façade Art Nouveau possède de nombreux caissons de tailles et de formes différentes, comme s’ils avaient eux-mêmes une vie végétale se développant en fonction des espaces offerts.
Le motif élémentaire de la corolle et des feuilles, répété comme celui d’une herbe volubile, créé des motifs architecturaux et décoratifs à la fois simples et variés.

Le jeu des trois teintes bleues créé une fascination : le bleu pastel de la frise est d’un bleu extrêmement doux. Les feuilles d’un vert foncé semblent dans l’ombre.
Par contraste, la blancheur de la corolle est modérée par une douce lumière bleutée. L’ensemble évoque une lumière lunaire.

Le thème de la nuit est repris au niveau du sol par un soupirail près de la porte d’entrée de l’immeuble représentant un hibou.
Les façades de cet immeuble sont à l’opposé d’un catalogue d’une agence de construction. L’architecte fait une impressionnante œuvre de création, il décline les éléments de son projet avec une grande liberté et une grande sensibilité.
À part une maison à Meudon, Mourzelas père et fils n’ont pas réalisé d’autres œuvres dans le département.
La Façade avenue Pasteur :

Cette façade reprend les éléments déjà vus. Au milieu de celle-ci on trouve une partie centrale verticale en maçonnerie blanche. C’est là que donnent les pièces nobles des appartements.
En haut du premier étage, on retrouve la sculpture finement ouvragée de la glycine.
Tout en haut, au cinquième étage, comme sur les deux autres façades existe un grand balcon en surplomb et au-dessus une sorte d’attique en bois.
La place Sarrail à Courbevoie, est à la fois sortie de gare et entrée du quartier commerçant de Bécon, et un lieu particulièrement fréquenté.
Combien de passants ont pris le temps de lever le regard vers les trois façades de cet immeuble ?
PS : Question au lecteur :

En face de l’entrée du 3 rue Séverine, la façade d’un autre immeuble à l’angle du 1, rue Jean Moulin et de l’avenue Séverine semble construit à la même époque. Coïncidence ?
Il possède également deux décors en façade évoquant le thème nocturne : l’un a pour motif une chauve-souris (un vampire !)

L’autre linteau a pour décor un motif de fleurs évoquant des pavots ou de fleurs de Nénuphar. Fleurs évocatrices de l’univers des songes. La SHC n’a pas retrouver le nom de l’architecte du 1, rue Jean-Moulin. Qui peut nous renseigner ? Nous sommes curieux de le connaître.
Les deux architectes de ces deux bâtiments se connaissaient-ils ? Ou est-ce le même architecte ? Est-ce un hasard ?
Autre remarque :

GH
Dans le Département du 92, l’architecte Eugène Mourzelas a aussi construit une maison à Meudon.
On y retrouve son gout pour l’utilisation de matériaux variés : la meulière, la brique, le bois et son penchant pour l’effet décoratif donné par d’importantes mosaïques (en provenance de la maison Gentil-Bourdet à Billancourt).
Pour terminer, notons qu’un ouvrage d’architecture signale que Mourzelas est l’auteur d’un immeuble de rapport 23, rue de la République à Meudon. Après visite sur place, il s’agit d’une erreur. Car une plaque donne le nom de l’ architecte D. Bessin. Comme quoi il est toujours bon de vérifier ses sources !
Bernard Accart, président de la Société Historique de Courbevoie